« Casse-toi pauvre con, tu vois bien que je suis occupé ! ». Adrian regarda son père avec pitié, souhaitant très fort de ne jamais lui ressembler. « Surtout occupé à compter tes bouteilles puis à les boire, non ? », dit-il avant de partir en courant par la porte d'entrée entrouverte de la maison, en la claquant très fort. S'il ne s'était pas enfuit, il aurait surement récolté une dizaine de lourdes baffes. Il entendit un verre se fracasser contre un mur, puis son père hurler contre son fils ainé. C'était comme ça tous les jours, dès qu'un des fils Venturi demandait quelque chose à papa, il se faisait remballer sec. Là, Adrian avait 15 ans et il avait juste demander une dizaine d'euros pour se payer un ciné avec son frère. Mais non, impossible, il fallait qu'il se débrouille par lui même ! Il allait quand même pas faire la manche, si ? Au final, ils avaient passé leur après-midi à rien faire. Ils avaient achetés un peu de nourriture avec ce qu'ils avaient, soit à peu près six ou sept euros, puis étaient rentrés tard dans la nuit. Bien sûr, leur père était ivre, dormant sur le divan et leur mère n'était toujours pas rentrée. Ils étaient allés l'air de rien dans leur chambre, se demandant si leur vie était normale, ou si ils avaient eu la malchance d'avoir une famille comme la leur.



À 18 ans, Adrian avait terminé ses – courtes – études. Il avait fait le minimum, puis était partit. Il avait pourtant les capacités de faire plus, d'obtenir une bourse et de faire de superbes études. Derrière son apparence, il y avait un bosseur très intelligent, mais malheureusement, il n'exploitait pas ses qualités et se contentait du minimum. Il se trouva un travail dans un bar, serveur le jour, barman la nuit, il loua un appartement minuscule, mais à côté du centre ville, et se cassa de sa charmante maison d'enfance. Il regrettait de laisser son frère où il était, mais il n'avait pas le choix, son studio avait la place que pour lui, et encore, il devait se serrer pour ne pas étouffer sous ses affaires. Il venait de se mettre en couple avec Gee, une amie qu'il connaissait depuis plusieurs années, mais il ne savait pas encore pourquoi il avait fait ça. Il ne l'aimait même pas, ce n'était que de l'amitié. Il couchait sans arrêt avec d'autres filles. Au fond de lui, il se doutait que s'était pour énerver Will, son ennemi de toujours, qui était fou amoureux d'elle. Il devait surement trouver ça très amusant ..


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****« De ton frère préféré, le seul que tu as.

Je n'ai pas eu le courage de te dire au revoir. Je m'en vais discrètement, sans un bruit. Même les parents ne sont pas au courant. J'ai eu une bourse pour suivre des études de droit à New York, cette ville m'attire depuis toujours, comme tu le sais. J'espère que tu ne m'en veux pas trop de ne pas t'avoir tenu au courant de ce qui se tramait, mais je sais que si j'étais là maintenant en face de toi en train de te dire ces mots, je ne serais jamais rentré dans le taxi dans lequel je suis. Surtout, ne t'inquiète pas pour moi, ne m'envoie pas d'argent, de lettres, de cadeaux. N'essaye même pas de me joindre. Je sais que ces mots sont durs, tu vas surement m'en vouloir, mais je veux faire un trait sur le passé, ne plus jamais entendre quelqu'un prononcer « Bâton Rouge ». Je n'ai jamais eu d'amis ici, à part toi. Tu étais la seule personne présente pour moi. Toi, tu avais ta bande du quartier, ceux qui trainaient toujours dans la ville à rien faire, ceux que les gens craignaient. Je sais que tu as changé, que maintenant tu es installé dans ton appartement, que tu as ton boulot, une copine (bien que tu n'en a – presque – rien à faire .. fais gaffe à toi, tout le monde sait que tu vas voir ailleurs), des nouveaux amis. En fait, tu as réussi à te reconstruire en restant dans la ville. Moi, désolé, mais je n'y arrive pas. Je ne peux plus supporter de rester seul dans ton ancienne maison, avec pour seule compagnie ces étrangers de parents. Je penserai tous les jours à toi, tu le sais bien, peut être que l'on se verra par hasard quelque part ? Ne sait-on jamais …

***********************Adieu, je t'aime. »



Peut-on expliquer les différentes émotions qui m'ont traversé quand j'ai lu cette lettre ? Je crains que non. Une boule dans ma gorge ne partait pas, mais retenait des larmes, inconnues pour moi. Je ne pensait pas pouvoir ressentir autant de tristesse en même temps, pour une seule et unique personne. Mon frère, ma vie. Je le voyais tout le temps, l'appelait 24heures sur 24, lui envoyait dès textos dès que j'en avait l'occasion. Même si j'avais déménagé, on s'arrangeait toujours pour sortir ensemble. Encore aujourd'hui, dix mois plus tard, j'ai du mal à accepter que je ne verrai plus sa bouille de bébé, que je n'entendrai plus jamais le son de sa voix. J'ai plusieurs fois essayer de le trouver sur twitter ou facebook, mais il n'y est pas. Je lis cette lettre tous les jours pour comprendre pourquoi il m'a fait ça, mais non, je ne vois pas. Il y avait d'autres solutions. Je me rappelle de ces moments où on sortait par la fenêtre de ma chambre quand nos parents se disputaient, qu'on restait toute la nuit dans la rue, à errer. On s'asseyait le bord d'une rivière qui passait par là, on enlevait nos chaussures, et on restait des heures assis les pieds dans l'eau, avec pour seule lumière la lune. Il y a eu d'autres moments mémorables, comme quand on volait de la nourriture dans le supermarché du coin, n'ayant jamais d'argent avec nous. On était obligés car personne dans la maison pensait à faire les courses. On se contentait souvent de la cantine, mais quand on avait vraiment faim, on volait. Dure période, ça à duré 8 mois. C'était du à mon père qui buvait tout le temps et qui passait tout l'argent dans ses bouteilles. Nos souvenirs ne sont pas comme ceux des autres enfants, lorsqu'ils ont fait du vélo, qu'ils ont eu un chien pour Noël, qu'ils ont été diplomés. Nous, on a toujours du se débrouiller par nous même. Mais aujourd'hui tout ça est derrière, on a tout les deux nos vies tranquilles, sans embrouilles ni problèmes. On a enfin une vie stable.